LETTRE D'INFORMATION du 20 octobre 2021

Service d’aide aux collectivités proposé par l'OiEau sur les questions liées à l’eau potable,
l’assainissement collectif et non collectif.
 

Consultations publiques : les évolutions récentes

Par son article 7, la Charte de l'environnement publiée en mars 2005 établissait que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement » (voir le texte intégral).

La Charte de la participation du public de 2017 prévoit en son article 4 que la participation du public encourage le pouvoir d’initiative du citoyen, que lors d’une initiative citoyenne que « le porteur de projet considère sérieusement, et argumente s’il ne les retient pas, les propositions des participants […]. En cas d’accord du porteur de projet pour réaliser des études complémentaires à la demande du public la chartre précise que les parties s’entendent pour prioritairement chercher à co-construire le cahier des charges des études complémentaires qui apparaissent utiles, rechercher en commun une solution à leur financement et mettre en place un comité de suivi » (voir le texte intégral).

Il s’agit ici de voir quelle application est faite de ces principes non contraignants.

 

Une application a minima

Des limites soulignées par la LPO en 2018

L'efficience des procédures de consultation publique relatives aux projets ayant un impact environnemental fait régulièrement débat.
 

En décembre 2018, Allain Bougrain Dubourg, le président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) déclarait « Nous avons remarqué que, malgré la mobilisation de milliers, voire de dizaines de milliers de citoyens contre des projets d'arrêtés soumis à la consultation publique, ceux-ci étaient néanmoins signés sans modification ». Il avait alors demandé son avis à la Commission nationale du débat public (CNDP) sur l'efficience de cette procédure.

L'expertise de la CNDP
Nota : Le rôle de la CNDP est de veiller au respect de la participation du public au processus d’élaboration des projets d’aménagement ou d’équipement d’intérêt national et des plans ou programmes de niveau national. Elle est vigilante, en particulier, sur la bonne information du public et la prise en compte de ses observations (Citation - source : notre-environnement.gouv.fr)

La CNDP a publié cette expertise le 19 décembre 2019. Les principaux enseignements de ce travail sont les suivants :

  • il existe une série d'insuffisances relatives au droit à l'information du public,
  • aucun travail de mobilisation du public n'est mené en amont de la consultation,
  • le choix des dates est « dicté par l'agenda politique ou réglementaire »,
  • les agents du ministère appliquent un échantillonnage sur les consultations recueillant plus de 10 000 contributions : seulement 30 % des messages par tranche de 1 000 sont pris en compte. Les autres ne sont pas lus,
  • les outils utilisés sont « particulièrement limités d'un point de vue de l'échange ». Les participants ne peuvent ni réagir à un commentaire, ni le partager, ni amender le texte proposé, ni obtenir de réponse rapide de l'autorité organisatrice. Aussi, le traitement des contributions s'apparente plus à « un comptage des positions plutôt qu'à une compréhension des arguments »,
  • «L'article 1 de la Charte de la participation du public qui demande de recourir à un tiers garant pour rédiger le bilan n'est pas respectée » (CNDP),
  • les agents en charge du traitement manquent de moyens et de temps,
  • les contributions portant sur des visions générales ne sont pas prises en compte,
  • Les agents formulent des jugements sur les positions exprimées, qui sont « propices à
    des biais méthodologiques importants, ainsi qu'à une inégalité de traitement entre contributeurs ».

En clair, la CNDP constate « une absence de prise en compte substantielle des avis exprimés ».

La CNDP estime qu’en cas de non prise en compte des avis, « le décideur doit motiver son choix en expliquant en particulier les raisons qui l'amènent à une décision contraire aux avis statistiquement majoritaires et à répondre sur le fond aux arguments divergents par rapport à son choix ».

Nota : ce premier chapitre a comme source l’article « La CNDP pointe les défaillances du processus de consultation du public » paru sur le site actu.environnement.com paru le 24 décembre 2019 et rédigé par Laurent Radisson

 

La Loi ASAP :
les conséquences d'une volonté de simplification

La Loi Asap (LOI n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique) simplifie très fortement les procédures environnementales incluant la participation du public. Un des buts affiché de cette loi est de «purger les irritants qui jalonnent le parcours des porteurs de projets industriels et d’adapter les procédures en fonction des spécificités territoriales et de la plus ou moins grande complexité des opérations».
 

Au regard des changements apportés par la loi, Il semble bien que la consultation du public ait été considérée comme un irritant.

Droit d'initiative citoyenne raccourci (article 43)

Le délai pendant lequel toute collectivité, association ou collectif de citoyens peut recourir au droit d’initiative pour demander au préfet l’organisation d’une concertation préalable est réduit de quatre à deux mois. Le texte prévoit l’obligation d'informer les collectivités des déclarations d’intention pour un noyau dur (régions, départements et communes concernés par le projet).

Consultation du public à la discrétion du préfet (article 44)

Les modalités de consultation sont adaptées de façon à laisser le préfet choisir une consultation électronique du public plutôt qu’une enquête publique pour certains projets soumis à autorisation environnementale, mais en raison de moindres enjeux, ne nécessitant pas d’étude d’impact.

La réaction de la CNDP

Lors de sa séance du 3 mars 2021 la CNDP a émis un avis sur le projet de décret portant diverses dispositions d’application de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique et de simplification en matière environnementale du 7 décembre 2020 (voir l’avis dans son intégralité)

On y trouve notamment les constats suivants (extraits) :
 

De fait, c’est bien aujourd’hui une régression du droit de l’environnement et de la participation qui est proposée par ce quasi-doublement des seuils de sollicitation obligatoire de la CNDP. […]
 

Les projets qui seront ainsi exemptés, soit d’une obligation de participation préalable du public, soit pour lesquels la CNDP ne décidera plus de l’organisation de la participation, sont des projets souvent majeurs pour l’aménagement des territoires et aux impacts environnementaux et socio-économiques très significatifs et susceptibles de mobiliser et intéresser le public et les riverains (tels que les barrages, les Stations de Traitement des Eaux Usées importantes ou les usines de traitement des déchets – NDLR). […]
 

L’évaluation de l’impact de cette réforme sur les projets concernés qui ont été soumis à la CNDP entre 2018 et 2020, soit 41 projets, montre que 45 % seraient impactés. Pour ces projets « déclassés », le droit à la participation du public jusqu’à l’enquête publique ou la PPVE ne sera plus obligatoire mais laissé à la volonté du responsable de projet. […]
 

Les dispositions de la loi ASAP et son décret d’application ont pour conséquence une réduction importante des garanties apportées à l’exercice de droits à valeur constitutionnelle. […]

Ce second chapitre s’appuie sur la page « Simplification : tout ce que les collectivités peuvent retenir de la loi Asap » du site internet de la Banque des territoires

 

Conclusion

Les mécanismes de consultation du public mis en place n’ont jamais garanti que le porteur d’un projet ait le devoir de prendre en compte les avis du public. De plus, la tendance est à la réduction des obligations de passer par cette étape qui a été considéré comme un « irritant » lors de la rédaction de la loi Asap.
 

Sur le graphique suivant les mécanismes en place pour les projets les plus impactant permettent d’atteindre au maximum le niveau 3. Cependant le porteur de projet, s’il le souhaite, peut en rester au niveau 2.

Quoi qu’il en soit aucun texte n’oblige à la co-construction d’un projet et le niveau d’influence du public reste faible et si le porteur d’un projet le décide, ce niveau peut rester inexistant.

 

Un des enjeux de l’ouverture à plus de participation du public reste « l'empowerment » (développement du pouvoir d'agir), en cultivant un certain esprit d'ouverture, de bienveillance, d'équivalence et d'action collective afin de contribuer à un certain renouveau démocratique de l'action publique.

 

Récement Chantal Jouanno, la présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP) a rédigé une tribune dans le journal Le Monde (publiée le 24 septembre 2021).
Elle y fait état de son inquiètude face à une « régression du droit à être informé et à participer à l’élaboration de projets touchant à l’environnement. ». Elle y évoque les points que nous avons détaillés plus haut et rappelle que «le débat public est […] un temps utile au décideur pour construire son projet. Lorsqu’il néglige la phase de la participation citoyenne, et surtout lorsque les points d’alerte identifiés par le public ne sont pas traités, alors des conflits et des retards adviennent dans la suite du projet.»

 

Elle ajoute que « les défis de la transition écologique impliquent chaque personne et requièrent notre capacité à mobiliser l’expertise de toutes et tous, y compris l’expertise du quotidien. Ils exigent une attention toute particulière à la parole des plus éloignés de la vie de la cité et surtout une confiance sans faille dans la démocratie sous toutes ses formes.»

 

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